LA RUE DE PARIS À MONTREUIL

  Scénographie d'exposition
 
 

Scénographie pour une exposition de photographies de Tibault Cuisset, accompagnées de textes de Jean-Christophe Bailly, sur la scène du CDN de Montreuil
 

Thibaut Cuisset est représenté par les filles du calvaire.
Site officiel : www.fillesducalvaire.com/


 


Photographe
   Thibaut Cuisset

Auteur
   Jean-Christophe Bailly

Scénographe
   Jean-Pierre Girault

 


 
CDN DE MONTREUIL

agenda

 

4 au 27 juin 2004

Exposition dans la salle Maria Casarès, 63 rue Victor Hugo, au CDN de Montreuil, les jeudi et vendredi de 17 à 21 heures et les samedi et dimanche de 14 à 20 heures.

 

 

 

 

 

 

 


 

 

 

Thibaut Cuisset et
Jean Christophe Bailly,
complices depuis déjà plusieurs années, ont croisé leur regard sur un lieu, la rue de Paris à Montreuil. Le regard de l’écrivain, porté jusqu’à présent sur celui du photographe, entre cette fois-ci en résonance avec lui.



 

Photo de Thibaut Cuisset


 vues 
 

Proposition scénographique:

Les limites de l'espace scénique du Théâtre de Montreuil ont été redessinées  par des paroies verticales. Et cette "doublure" a fait l'objet d'un déplacement de quelques dégrés par rapport à l'axe central de l'espace réel, créant des espaces en lisière, des entre-deux... L'espace d'exposition est le jeu de l'espace réel du plateau et de son double,  avec la ligne en pointillée que forment les photographies de Thibaut Cuisset, placées sur les deux plans verticaux.


 

 

 

Image Jean-Pierre Girault

 

 

Un meuble reprenant la forme d'un tube de section carré, construit en bois, a été placé au centre du plateau pour servir de support aux textes de Jean-Christophe bailly,


 

Sur le sol, des "empreintes de pas", éléments fabriqués à partir de matériaux trouvés dans la rue, journaux, bitumes...Ses "empreintes", placées de manière à dessiner un chemin, sont déplacées par les personnes au cours de leur visite (ces éléments n'ont finalement pas été présenté lors de l'exposition)



 

Image Jean-Pierre Girault



 

Image Jean-Pierre Girault



 

Image Jean-Pierre Girault



 

Image Jean-Pierre Girault



 

     Image Jean-Pierre Girault



 

Image Jean-Pierre Girault



 

Image Jean-Pierre Girault

 



 

Photo de Thibaut Cuisset



 

Photo de Thibaut Cuisset



 

Photo de Thibaut Cuisset



 

Photo de Thibaut Cuisset



 

Photo de Thibaut Cuisset


Jean-Christophe Bailly / LA RUE DE PARIS A MONTREUIL (Extrait):

…. s’il doit être intégral (tout marquer, tout retenir) genre Oulipo ou au contraire partiel et critique (un genre de sociologie urbaine que jamais je n’ai pratiquée) ou s’il doit inclure des phases lyriques alternées, des couplets, des coplas, des versets, faire des salades de syllabes et les lier ou suivre comme une caméra en un unique et lent travelling le kilomètre et demi de maisons et de bords taillés de la voie, je ne le sais pas
        on ne m’a pas dit rue de Paris à Montreuil un poème montre-le nous, ce poème le voici jeté d’une benne, il est venu, il a fini par venir, il avait pris du retard, il était parti en lanières, petits fragments lacérés, forêt d’échos éteints, de pétales morts
                    alors qu’il faut que ça soit vivant, qu’il soit vivant, qu’il soit en lui question uniquement de vie: c’est-à-dire là, dehors, ce qui se passe, ce qui passe : un ruban à peu près droit découpé dans le tissu, une échancrure, les gens dedans
        un kilomètre et demi de ruban de maisons de boutiques, tissu découpé en dents de scie, avec des accrocs, plein d’accrocs :
c’est aussi comme une rivière, il y a deux rives, une rivière dont l’on pourrait inverser le courant, changeant la source et l’embouchure :

par exemple, est-ce que la rue de Paris, rivière à peu près rectiligne genre canal prend sa source au lieu-dit Croix de Chavaux pour aller se jeter dans la mer du Périf ?
         ou au contraire prend-elle sa source sur le rond-point de la place de la Porte de Montreuil pour couler lentement vers la Croix de Chavaux où elle pourrait d’ailleurs, au lieu de finir, se répartir en bras distincts ?

une telle question n’est pas forcément spécieuse, oui cette rue est l’une de celles, nombreuses qui, partant des portes de la capitale s’enfoncent tout de suite dans la banlieue, mais d’un autre côté on peut les définir également, ces rues, ces voies, comme des sortes de becs verseurs allongés amenant à la capitale l’énergie de son pourtour et y plongeant comme dans un réservoir dont le Périf, justement, serait l’enveloppe
de cela on pourrait faire un dessin  (une étoile de becs verseurs dans le cœur de Paris, une structure en oursin), mais difficile d’exprimer la réciprocité des flèches
or ces flux durent depuis des siècles, bien qu’il n’y ait plus beaucoup de traces, nous suivrions avec plaisir le chemin des maraîchères venant de Montreuil vers les Halles jeter leurs légumes dans Paris
toute une histoire coupée, tout un pan de rideau déchiré – toiles cirées pleines de petites fleurs ou de motifs de lutins, les murs à pêches en labyrinthe et les convois comme en bout de piste, les pas des filles sur la cendrée avançaient suivis par les regards de police
            
de l’autre côté (Paris) la rue de Paris devient la rue de Montreuil (celle-ci commence assez loin à l’intérieur de la ville, rue du faubourg Saint-Antoine au-delà de Faidherbe-Chaligny (ce qui trompe, c’est qu’entre le boulevard de Charonne et le boulevard Davout elle s’appelle rue d’Avron ))
en tout cas Montreuil est appelé de loin dans Paris (eho !) et la rue de Paris n’est que la réponse du berger à la bergère, ohé
ce qu’il faut rectifier sur le plan (pointillés, sauts de puce, tunnels imaginaires), le plan du métro, lui, le donne tout de suite : passant sous la ceinture qu’il ne voit pas mais qu’il coupe, le métro venant de Nation, Maraîchers, Buzenval envoie la ligne sans coup férir à Montreuil : trois stations en effet jalonnent le parcours de la rue, ce qui lui donne, par trois bouches, un écoulement supplémentaire et conséquent de personnes :
ainsi, on peut apprécier cette rue en surface et sous elle, alimentant plus loin vers Mairie de Montreuil et ses lignes de bus, on peut apprécier jour et nuit quelle épaisseur de monde elle capte et ne trie pas
honorant d’une station l’Incorruptible dont Paris n’a pas voulu, ne veut pas, juste sous le nom de Robespierre une renversée d’ignames et de patates douces, le poème en prose des fruits de l’Afrique couchés sous le nom se pose en affectueux contre-Thermidor                     


                comme si les maraîchères venues des Murs à pêches s’étaient muées en africaines portant boubou, un lointain son de trompe et de tambours « dans la nuit » vibre dans l’air quelque chose coloré ou malien sur fond de tissu rayé Wax Super Wax : parmi théières tongs et savons, la musique d’une fête serait de Rokia Traoré, arbres de mai coupés pour faire des balafons, enfants secouent des grappes de bananes, vous le verriez, le sauriez, ce serait notre République
                et d’ailleurs autant le dire tout de suite toute idée ici vire, doit virer à une sorte de brésil pour ce qui est des couleurs et des genres, une toupie, des toupies de peuplades descendent en chantant le bariol : cette rue de rien est une rue du monde, une rue-monde, une rue dans le monde qui se renverse et s’éparpille :

longueur 1500 mètres largeur 10 mètres voici ce qu’on y trouvait au mois de décembre 2003, parmi des riens, des accrocs, une maille à l’endroit et une maille à l’envers, tel que ça venait en partant de la Croix de Chavaux (place du petit pâtissier stalinien qui roulait les r et faisait 20%), finalement c’est dans ce sens là que le courant est le plus fort, la rue de Paris mène à Paris là-bas tout au fond vers ce qu’ils ont appelé, pourquoi, la Grande Porte, donc, à ma gauche le film commence, on le suit, il n’y a qu’à le suivre, c’est une méthode simple quoique un peu affolante – il faut traverser sans cesse et noter carnet au vent* :
    
    * un truc aujourd’hui des poètes : touches de réel remontées du collage bord à bord, technique de voyage (p.ex. Jacques Roubaud à Tokyo « J’ai aussi sacrifié à la coutume d’enregistrer quelques délicieuses enseignes », Tokyo infra-ordinaire, page 16), désir ou naïveté – se coltiner l’universel reportage et ses suites, toute la retombée, toutes les chutes, oui ici tout, pour une fois, comme quelque chose versé, un amas

Société Générale
K par K (fenêtres)
Alimentation
Boucherie Boukhobza

rue du Sergent Bobillot

Agence Immobilière
Institut de Beauté
Century 21 Immobilier
Daskalidès chocolats belges gâteaux de mariage
FNAC service
Coiffure Kym
Caves de Montreuil (vins et épicerie fine, où l’on trouve les chocolats de la maison Bonnat, de Voiron – comme c’est loin d’ici, comme c’est ailleurs, Voiron !)
Alimentation Générale (ancienne Maison des Fromages)
Les Saveurs d’Orient traiteur chinois
Café de la Place
Phone Boutique (les prix affichés seront à peu près les mêmes dans les autres boutiques de la rue, 35 centimes d’euros la minute pour l’Europe de l’est, sauf la Moldavie qui est à 40, comme l’Egypte et l’Iran, 45 centimes pour le Sénégal, le Mali et les autres pays d’Afrique Noire, 25 ou 30 pour le Maghreb)
Boucherie Etoile d’Afrique (sacs de riz, de semoules de différents calibres, sacs de fèves dressés en muraille derrière la vitre : forment la nature morte côté rue mais à l’intérieur c’est plutôt une sorte de pop’art muslim, amateurs à petits bonnets blancs, assauts de Kaabas fluos suspendues au-dessus des viandes certifiées abattues conformes)
Hôtel Bellevue café karaoke
Photostation
Crédit Agricole


rue Edouard Vaillant  

tout cela donc plus ou moins face au marché qui se recule ou vomit ses cageots, toutefois sur la droite en allant vers Paris (ce sera l’ordre jusqu’à la fin) et avant le retrait de la place du Marché lui-même la Bourse du Travail en éperon puis :

Pharmacie 24/24
Agence immobilière
Laboratoire d’analyses médicales
Café hôtel de la Poste
Boulangerie
Boucherie chevaline (portant double tête de cheval d’or, les profils surlignés d’un néon rouge)
Les doigts d’Anissa pâtisserie algéroise
Le Rapido (doner)
Adolphe Lafont vêtements de travail

Là seulement le marché couvert (grand plein le vendredi après-midi, pistaches, citrons confits si tu veux, boîtes de bâtonnets pour les oreilles en forme de fleur, tissus dans les odeurs de poulets grillés, petite danseuse qui tourne entre des miroirs, tu appuies là, c’est joli), puis :

Casa Lovi (restaurant italien, pizzeria)
Bazar de Paris
une villa vide, en brique et pierres de taille, de biais, aux fenêtres murées
Dandy Dog toilettage pour chiens (plus kitsch peut-être ne peut pas exister, tarifs différents selon races, caniches et chiots de porcelaine en vitrine autour d’un bibelot d’éléphant vert)

de ce côté c’est tout, à part le Dr. Khati, neurologue, un autre cabinet médical de fond de cour et une boutique vide il n’y a rien avant la rue Désiré Préaux, par contre en face, jusqu’à la rue Beaumarchais, on trouve :

Le Royal Montreuil restaurant
M.A. Coiffure mixte
Katty’s Fleurs
Garage Total
Cabinet infirmier
Métallerie de la Boissière
Pharmacie
Guy Hocquet immobilier
Dépôt vente Louterie (ce sont des échangeries, de vêtements surtout, féminins plutôt, telle robe passée sous les doigts d’Anissa et retouchée (voir un peu plus loin) par Joséphine maintenant simplement suspendue sur un cintre attendant la suite de son destin)

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